LES PEINTURES MURALES de Léo POLGE (XIX° siècle)

 

 

Intéressons-nous maintenant aux peintures de la voûte et des murs des chapelles.

 

Nous les devons à Léo POLGE, né à Alès dans le Gard en 1832.

Ayant fait des études de peintre décorateur à Paris, il eut l’opportunité d’effectuer ce travail dès 1865, alors qu’il habitait Perpignan et cette commande lui fut faite par les paroissiens de l’église de Prades. C’est eux qui vont en assumer les frais. Il n’habitera à Prades qu’à partir de 1868, quand il épouse une Pradéenne, Espérance Marty.

Les peintures sont signées en 1872.

Cela représente donc 7 ans de travail pour l’artiste et son atelier.

 

Première remarque : Il faut rappeler que l’église est dédiée à Saint Pierre, considéré comme le premier Pape de l’église catholique. On trouve donc les insignes de la papauté : la tiare et les clefs, qui accompagnent toujours la représentation de ce Saint, qu’il s’agisse, d’une peinture ou d’une statue.

 

Jésus avait déclaré « Tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux. » La Tiare est la coiffure remise aux Papes lors de leur couronnement (depuis Jean-Paul 1er les Papes ont refusé de la porter pour ne pas se présenter en monarques absolus).

Concernant les clefs, en principe, l’une en or représente le pouvoir spirituel, l’autre en argent représente le pouvoir temporel. Il semble qu’ici, elles soient identiques.

 

Dans les peintures de Léo Polge, il convient de remarquer que la tiare et les clefs sont portées par des anges, qui ne sont pas toujours identiques, donc, certainement, dessinés par des ouvriers différents. Ils ne se ressemblent ni par leur forme, ni par leur couleur et ne sont pas d’égale qualité. Il est évident que Léo POLGE n’a pas travaillé tout seul mais avait plusieurs ouvriers dans son atelier, à qui il a pu confier certains travaux, avec plus ou moins de réussite.

 

Deuxième remarque :

  • Le peintre a arbitrairement choisi d’habiller St Pierre avec une tunique orangée et une toge verte. Il porte une barbe et des cheveux gris.
  • Saint Jean, quand il est présent, est plus jeune, imberbe, a des cheveux longs et châtains, une tunique rose et une toge blanche. Quant à Jésus, il porte une tunique rouge et une toge bleue.
  • C’est le choix du peintre et cela nous aidera à identifier les personnages. 

            On peut indiquer qu’en ce qui concerne l’église de Céret qui est aussi dédiée à St Pierre, le peintre Viguier, en 1863, a fait un choix tout à fait différent par rapport aux couleurs.

 

La voûte de la grande nef, est malheureusement en très mauvais état actuellement.

Elle représente la voûte céleste bleue, parsemée d’étoiles dorées. Tous les arcs sont, eux-mêmes, décorés d’une frise très élégante de feuillages.

 

Ensuite, derrière le garde-corps en fer forgé, et au-dessus des 14 chapelles, la voûte présente des panneaux décorés, soit par une scène biblique, soit par les insignes de la papauté. Ces derniers sont reproduits 3 fois de chaque côté.

 

  • De par son importance, il convient d’évoquer, en premier lieu, la grande peinture murale qui se situe au-dessus de l’orgue :

            Il s’agit de l’Exaltation de Saint Pierre :

            L’apôtre est tellement possédé par le Christ, qu’il revit l’événement de l’Ascension, exactement comme il est dit dans les Evangiles :

            - St Pierre, vêtu de vert, est au centre du tableau EN ASCENSION.

            - 2 groupes d’Anges donnent une impression d’accompagnement dans cette montée aux cieux.

            - des nuages encadrent la scène.

            - Au-dessous, de part et d’autre, 13 apôtres, les uns surpris, les autres en prière, tous portent des vêtements très colorés comme                      pour signaler cet évènement heureux. Le 13ème apôtre serait St Paul (acte des apôtres chapitre 8 verset 28.).

              On retrouve cette même évocation sur la voûte de l’église St Pierre de Céret.

              Enfin, à l’extrémité gauche du balcon de l’orgue, nous pouvons lire la signature du peintre : « L. POLGE pinxit 1872 ».

 

 

Attachons-nous à présent aux peintures situées au dessus des chapelles

 

A GAUCHE DE LA NEF (face au maître-autel)

 

  • Au-dessus de la première chapelle, il s’agit de Pierre qui marche sur les eaux.

Il est vêtu de la toge verte. (St Mathieu chapitre 14 verset 29 à 31.)

« Aussitôt après la multiplication des pains, Jésus contraignit ses Apôtres à monter en barque et à passer sur l’autre rive, tandis qu’il irait prier à l’écart. Cependant, la barque est battue par les flots. A la 4ème veille de la nuit, Jésus vint à eux, marchant sur la mer. Quand les disciples l’aperçurent, ils prirent peur « c’est un fantôme » disaient-ils en poussant des cris d’effroi. Mais Jésus leur dit aussitôt « rassurez vous, c’est moi, n’ayez pas peur » Pierre prit la parole « Seigneur dit-il, si c’est vous, ordonnez que j’aille près de vous, sur les eaux ».

Il lui dit « viens » et Pierre sortit de la barque et marcha sur les eaux dans la direction de Jésus. Nous pouvons noter que c’est nettement la panique sur le bateau. Et l’on distingue Jésus, en tunique rouge et toge bleue.

 

  • Au dessus de la chapelle du Rosaire : les insignes de la papauté.

 

  • Au dessus de la chapelle de St Jean-Baptiste : La tempête apaisée.

St Pierre au centre, en orange et vert, debout. Il semblerait qu’il y ait St Jean, qui l’étreint à sa gauche, cheveux longs et clairs, étole blanche. Qui sont les 3 personnages agenouillés ?

            - Tout à fait à droite, un petit matelot se tient près du mât, affale les voiles et semble sourire.

            - A l’opposé, un petit enfant, besace sur l’épaule, assiste à la scène. Cette scène est celle qui est décrite par St Mathieu (chapitre 14                  verset 33) mais s’appliquant au Christ. Pourquoi ce changement de couleur? S’agit-il d’une identification au Christ, comme dans la                  grande fresque qui se situe au-dessus de l’orgue? Un arrondi délimite la scène.

 

  • Au dessus de la chapelle de St Gaudérique :  les insignes de la papauté.

 

  • Au dessus de la chapelle de Notre-Dame des Victoires : Cette scène n’a pas pu être identifiée. Au cœur d’une architecture aux colonnades antiques, Saint Pierre occupe le centre et semble indiquer du doigt un vieillard appuyé sur sa canne, à un personnage casqué, barbu et, peut-être, endormi sur une chaise. Une dizaine de personnes, hommes et femmes, s’approchent. Que signifie cette scène ?

 

  • Au dessus de la chapelle du Carmel : les insignes de la Papauté.

 

 

A DROITE DE LA NEF (face au maître-autel)

 

  • Au dessus de la chapelle de St Benoît : les insignes de la Papauté.

 

  • Au dessus de la chapelle de Notre-Dame de la Salette :  La guérison du boiteux devant la Belle Porte (acte des apôtres, chapitre 3 verset 3).

Tous les jours, on déposait un boiteux devant le Temple, pour lui permettre de demander l’aumône à ceux qui entraient.              Pierre, ici, en vert, était présent avec Jean (en rose et blanc, cheveux châtains, toujours représenté comme un personnage jeune). Pierre dit au mendiant « regarde nous, je n’ai ni or ni argent, mais ce que j’ai, je te le donne. Lève-toi et marche », en lui prenant la main, il le soulève et il marche.

 

  • Au dessus de la chapelle de la Trinité : les insignes de la Papauté.

 

  • Au dessus de la chapelle Saint Louis de Gonzague : La vision de Pierre (Acte des apôtres chapitre 10 verset 19 à 22).

« Pierre monta sur la terrasse pour prier. Puis, il eut faim. Il fut ravi en extase. Du ciel ouvert, il vit descendre un objet semblable à une grande nappe attachée par les 4 coins, s’abaissant jusque sur la terre. Elle était remplie de tous les quadrupèdes et reptiles de la terre et de tous les oiseaux du ciel. Une voix lui disait : « Allons Pierre tue et mange ». Cela se répéta 2 fois et la nappe fut retirée dans le ciel. Puis l’esprit lui dit « Il y a là 3 hommes qui te demandent, descend et pars sans hésiter ».

Léo Polge représente les 3 hommes, en bas à droite de la scène peinte et notre personnage en vert, est cité comme étant St Pierre.

 

  • Au dessus de la chapelle du Christ : les insignes de la Papauté.

 

  • Au dessus de la chapelle de la Pieta : L’interprétation est incertaine. Il peut s’agir du miracle des apôtres (Acte des apôtres chapitre 5 verset 15.) : « On allait jusqu’à porter les malades dans les rues, on les plaçait sur des lits et des couchettes afin qu’au passage de Pierre, son ombre en effleurât au moins quelques-uns ».

            Ou bien (Acte des Apôtres chapitre 10 verset 23) la vision de Pierre « Alors Pierre les fit entrer et leur donna l’hospitalité. Le lendemain, il se mit en route avec eux ».

 

 

 

Concernant les peintures des parois des chapelles :

Elles sont toutes différentes mais ont en commun de voir s’exprimer les symboles du Saint qui y est vénéré.

Toutes les arches des chapelles sont cernées de frises de fleurs stylisées ou de frises grecques, aux couleurs vives. Elles sont toutes différentes et attestent d’un grand travail de création, effectué par un grand artiste. On retrouvera des frises comparables dans l’église de Catllar, où le peintre a travaillé en 1869.

 

Nous reprenons le même déroulement, en commençant par les chapelles à gauche du Maître autel puis ensuite celles de droite.

 

  • Chapelle Notre-Dame de la Conception. Cette chapelle devait être en trop mauvais état et il n’a pas été possible de conserver les peintures. Nous n’avons aucune précision, mais il est très probable que Léo POLGE l’avait aussi décorée. Seule la voûte étoilée est conservée.

 

  • La chapelle du Rosaire comporte 2 scènes importantes certainement commandées par les paroissiens.

Sur un mur : l’apparition de la Vierge de Lourdes dans la grotte de Masabielle. Evènement relativement récent, puisqu’il a eu lieu en 1858, donc 7 à 8 ans avant la réalisation des peintures. On est encore dans l’émotion de ce moment. Le tableau est entouré de fleurs de lys et nous voyons une pluie d’images, en forme de losanges stylisés.

            Sur le mur qui lui fait face, il s’agit de St Dominique ayant reçu des mains de la Vierge une couronne de perles symbolisant le Rosaire, il le transmet aux moines Dominicains. Cette scène se serait déroulée à Albi.

            Précisons que la Confrérie du Rosaire a été créée dans notre département, par les Dominicains au 17ème siècle.

 

  • Chapelle de Saint Jean Baptiste et de Saint Gaudérique : le peintre adopte toujours le même principe, il représente les symboles de chaque saint.

Pour St Jean Baptiste des fleurs stylisées et pour St Gaudérique, des épis de blé liés.

 

  • Chapelle Notre-Dame des Victoires : il a choisi une pluie de chardons blancs.

 

  • Chapelle de Notre-Dame du Mont Carmel : elle-même vêtue en Carmélite.

Une pluie de Scapulaires car il ne faut pas oublier que ce sont les Carmélites qui ont remis en usage l’utilisation du cilice et du scapulaire.

            Cilice : ceinture cloutée que les religieuses portaient à même la peau, en guise de mortification.

            Scapulaire : pièce de costume monastique consistant en 2 pans de tissus portés sous les vêtements.

 

 

Les chapelles de droite :

 

  • Chapelle du Christ ou du Saint Sacrement : dont la voûte a été restaurée en 1996. L’encadrement est une frise grecque très colorée et on peut y voir une pluie d’étoiles.

 

  • Chapelle St Benoît : Ici aussi, avec l’humidité les peintures se sont abîmées et il a fallu les retirer. Il ne reste plus rien. Mais on sait qu’il y avait une pluie de S-B (voulant dire Saint-Benoît) sur les parois de cette chapelle, qui fait, désormais, partie du Trésor de l’église.

 

  • Chapelle Notre-Dame de la Salette : dont l’apparition date de 1846 (quelques années avant la réalisation des peintures de l’église de Prades).  

La Vierge apparaît à 2 enfants qui déclarent « avoir vu une belle Dame vêtue d’un costume étrange, parlant français et patois. Elle était triste et pleurait à cause de l’impiété des chrétiens ».

 Ici, le peintre l’a représentée vêtue de blanc portant une cape bordée de roses et marchant sur un tapis de roses, les bras croisés et coiffée d’un diadème doré.

Nous savons que les 3 personnages, en marbre blanc, sont signés DELARUE et ont été faits en 1867, que ce groupe de statues a coûté 1.200 francs et que le paysage en arrière-plan, a été fait par Léo POLGE pour 190 francs. On distingue un encadrement de palmes et une pluie de petits objets arrondis orangés (auxquels on ne peut donner un nom).

 

  • Chapelle de la Trinité :

Pour symboliser la Trinité, le peintre a lié 3 petites branches vertes qui tombent en pluie. De part et d’autre, nous trouvons les portraits de Sainte Rose de Lima et de Sainte Thérèse, qui sont beaucoup plus anciens.

 

  • Chapelle St Louis de Gonzague : Le portrait à l’huile sur toile date de 1845. Il est signé BONNEGRACE, élève du Baron GROS. Léo POLGE s’est contenté de faire une pluie de S-L (Saint Louis).

 

  • Chapelle du Christ et de la Pieta : inutile d’en parler, elles sont en piteux état.

            Remarquez simplement un décor fait d’une frise grecque et un soubassement de faux bois pour la chapelle de la Pieta.

 

Il faut signaler, tout de même, que l’on a poussé l’excès jusqu’à peindre les piliers de l’église qui sont sans doute en pierre (ou en marbre) en faux marbre de Ria.

La descendante du peintre, Madame Rose-Marie Parpiel, soulignera lors de sa conférence sur les peintures de son arrière-grand-père, qu’il était un fait reconnu dans sa famille, que c’était une spécialité de Léo POLGE que les faux, les trompes l’œil et que les pradéens lui commandaient de peindre « en faux marbre » leurs cheminées, même quand elles étaient en pierre ou en bois.

Rappelons que ces peintures murales, qui nous apparaissent démodées, sont dans le goût et la mode des peintures religieuses du 19ème. Elles sont aujourd’hui très sombres et abîmées.

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